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Le conte de la petite pêche


Je vois de plus en plus souvent des enfants ballotés entre père et mère. Comme si personne n'en voulait plus à un moment donné. Ils doivent alors se construire sans repères. En tant que maman, cela me fait mal quand j'entends une de ces histoires. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut passer de la passion qui mène deux êtres à vouloir s'unir et avoir un bout de leur amour vivant, à un match de patates chaudes qu'on se refile le plus vite possible parce qu'on a bien mieux à faire.


Voici l'histoire d'un de ces enfants qui a grandi si vite. J'espère que certains parents réaliseront alors que leur enfant doit être respecté et qu'ils assumeront leur responsabilité, pas uniquement jusqu'à 18 ans, mais à perpèt... "Que le temps file et jamais on ne le rattrape..."

Photo de fleurs de pêcher

Je vais vous raconter l'histoire d'une petite pêche. Ce fruit avait une maman pêche et un papa pêche comme tous les enfants. Mais voilà, ses parents étaient vraiment très particuliers. En fait ils ne s'étaient jamais aimés l'un et l'autre. Cela arrive parfois que deux adultes qui n'ont pas de sentiments aient un bébé.


Notre petite pêche vint au monde dans un siècle nouveau où beaucoup de choses changeaient, les stéréotypes familiaux notamment. C'en était fini le temps de la famille patriarcale classique, en ce jour, toutes les combinaisons étaient possibles. Certains enfants avaient deux mamans, d'autres deux papas, d'autres encore juste un papa ou une maman et même quelques uns un beau papa ou une belle maman. Il y a avait même des enfants qui avaient des demis-frères et sœurs. Non pas que ces enfants étaient des moitiés, juste, ils n'avaient que le papa ou la maman en commun.


D'ailleurs, notre petite pêche avait lui aussi un demi-frère. Sa maman avait eu ce fruit d'une précédente union, sans grand amour également je crois. Notre drupe était un bébé tout à fait normal bien qu'il ait mûri sur une branche très peu solide. En effet il arrive aux pêchers de perdre des branches, elles s'assèchent ou prennent des maladies. Mais quand la vie veut prendre elle prend et notre juteux après avoir été une magnifique fleur devient bien rond, tout duveteux et d'une magnifique couleur. Son calibrage était excellent en tout point.


Mais voilà, il naissait dans un monde où les papas et les mamans n'ont pas toujours comme première préoccupation leur enfant. Certains en effet considèrent que leur vie est plus importante et que leur progéniture doit s'adapter. C'est ainsi que très peu de temps après sa naissance, la petite pêche se trouva coupée en deux, une moitié de temps chez son papa et l'autre avec sa maman. Elle devint très triste et alors qu'elle s'habituait déjà bien difficilement à cette situation, une autre petite pêche grossit sur l'arbre et fit son entrée dans la famille. En effet, un bourgeon avait fleuri juste au moment de la séparation des deux adultes et quelques temps plus tard, un petit frère était né. Les parents restèrent chacun de leur coté et les deux petites pêches furent ballotées d'un lieu à l'autre sans qu'on ne leur demande jamais leur avis. Notre protégé restait néanmoins un enfant gentil, calme, joueur et rieur.


Alors qu'un jour, la petite pêche se trouvait en garde loin de chez elle, on s'aperçut qu'elle avait arrêté de rire, de jouer et même de parler. Intriguées, d'autres pêches de la famille essayèrent de comprendre et le petit fruit expliqua dans un chuchotement qu'il ne devait plus parler, plus faire de bruit pour ne pas réveiller son petit frère. On essaya de lui expliquer qu'à cet instant le petit fère n'était pas là et qu'il pouvait s'amuser normalement, parler, rire, chanter mais c'était trop tard, le mal était fait. A compter de ce jour, la petite pêche grandit, grossit mais ne donna plus jamais de sa voix. Même ses rires étaient devenus timides. Normalement, les parents auraient du s'en inquiéter mais comme je vous l'ai dit, parfois les adultes préfèrent recommencer leur vie d'une page blanche et oublient sur le bord de la route les petits êtres qui les accompagnent. Ils ne doivent pas déranger, pas faire de bruit, être bien sage et se faire tout petit.


Avec les années, on découvrit que la maman pêche était complètement pourrie de l'intérieur. Elle était acide, amer et n'inspirait aucune sympathie. D'ailleurs elle n'avait pas eu beaucoup de gestes tendres à l'égard de ses petits fruits. Le père, lui, était très égoïste et même un peu menteur. Il assurait le quotidien des bambins sans passion et n'avait pas bien plus d'affection à leur égard. Il faut dire que personne ne lui avait montré le chemin dans sa propre enfance.


Les membres de la famille qui avaient fait parti de la vie de notre petite pêche dans les premiers temps furent vite écartés par la marâtre et le père qui avait bien d'autres choses plus importante à vivre laissa couler les situations au grès du temps.


Notre alberge grandit, mutique, sans faire un soupçon de bruit, ni le moindre mouvement d'ailleurs. Sa vie ne fut pas remplie de passions ni de copains comme tous les enfants en rêve. Il passait son temps seul ou presque, avec des jeux vidéos. Les quelques rares moments légers qu'il partageait avec ses cousins et son petit frère étaient précieux mais il avait pris l'habitude de ne pas trop s'exprimer. Ce jeune fruit savait qu'il lui fallait rester à sa place, dans l'ombre et le silence.


Puis arriva le jour de sa majorité et c'est alors qu'avec un extraordinaire courage il décida de sauver sa peau et d'aller frapper à la porte de son père pour lui demander asile. Il avait compris que sa mère était une femme cruelle et nocive. Son père le savait aussi mais n'avait pas réussit à le protéger lui et son jeune frère de cette tyrannie. Le jeune adulte espérait de tout son cœur que son père lui tendrait les bras et accepterait son choix de venir vivre à plein temps avec lui. Mais sa réaction fut une fois de plus à son image, égoïste et placide. Et tout en l'invitant à entrer, il lui signifia qu'il ne changerait en rien son mode de vie. Il serait disponible la moitié du temps, comme jusqu'alors et pas une seconde de plus.


Voilà comment notre petite pêche qui arrive juste dans le monde des adultes va devoir finir de grandir. Alors qu'il aura trouvé la force et les ressources nécessaires au fond de son être pour affronter ses démons et sauver sa peau, on lui signifie qu'il n'est le bienvenu qu'à mi-temps. Dans quelques mois ou dans quelques années, ce jeune partira définitivement de chez ses parents et devra voler de ses propres ailes. Il rencontrera peut être à son tour, une jolie pêche avec qui il aura envie de buller sur un arbre fruitier. Mais comment arrivera-il à aimer? Lui que l'on a si souvent rejeté? J'espère que son histoire aura une fin heureuse et si j'écris ce conte aujourd'hui c'est en espérant que les parents prendront conscience du mal qu'ils peuvent faire en décidant de vivre leur nouvelle vie en laissant sur le bas coté, les restes de la précédente. Ils oublient un peu trop souvent que leurs enfants n'ont pas demandé à venir au monde et que leur responsabilité ne s'arrête pas à les nourrir et les loger mais également et avant tout à les aimer et à leur apprendre à être heureux.

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