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Gabin sans limites de Laurent Savard


Hier avec mes fils, nous avons été rencontrer Laurent Savard, auteur et comédien qui se trouvait en dédicace à valence. Laurent est le père de "Gabin", jeune homme autiste atypique de l'âge de mon fils Juléo. La journée avait commencé par un peu de stress. A 10h le téléphone a sonné. Et comme j'ai pris la mauvaise habitude de ne plus (ou presque) jamais retirer le mode "Ne pas déranger" il n'y a que 3 personnes qui peuvent me joindre directement et à cette heure, seulement 2. Il s'agissait de mon fils Juléo. Et ça c'est mauvais signe car Juléo ne téléphone JAMAIS. Il est 10h il sort de cours d'Histoire Géo et évidemment ça s'est ENCORE mal passé. Voilà des semaines que cela ne va pas entre lui et sa prof et Juléo espérait un RDV de médiation avec cette professeur et le CPE mais la pro a refusé. J'essaie d'apaiser mon autiste de fils par quelques paroles, je lui rappelle qu'il a fait 5 ans d'école à la maison et que l'histoire géo était non seulement une des matières qu'il préférait mais également l'une de celle où il excellait et que c'est pas cette @#!+=; qui va nous emmerder la vie. "Tu n'as pas besoin d'elle Juléo puisque tu as le bouquin". Alors fait le canard, ne participe pas, prend le cours et attend que ça se passe, il reste quelques mois et si l'année prochaine tu l'as de nouveau, on demandera le CNED. Voilà où j'en suis arrivée. C'est dramatique mais je suis à bout de force. Je n'ai plus de ressources et surtout plus envie de me battre contre les profs. A force je suis résignée. En fait, nous, parents d'autistes on n'a pas le droit de craquer. C'est jamais facile, c'est toujours plus dur alors parfois traiter la prof de connasse à la maison ça soulage. (et même si c'est pas bien) Bref il est 10h, mon autiste est super angoissé et moi j'ai cours dans 1h. Dans le meilleur des cas j'arrive à calmer le jeu et on en reparle ce soir (et probablement en boucle pendant encore quelques semaines, on n'est plus à ça prêt ça dure depuis début décembre), dans le pire, c'est ma journée au conservatoire qui peut partir en fumer d'un instant à l'autre. Si Juléo vrille, personne ne peut le calmer. Alors ça sera à moi de gérer comme d'hab, parce que je suis "sa petite maman". Ouf j'entends les copains derrière qui le soutiennent. Je prends le temps, que je n'ai pas, pour lui parler, le calmer, l'apaiser. Ca a l'air de fonctionner il acquiesce. Cette fois j'ai gagné. Quand Juléo dit "Ok" c'est "Ok" ça a du bon parfois l'autisme, en tout cas chez mon fils. Je peux donc espérer pouvoir tenir mon emploi du temps et retrouver Ju et son frère comme convenu à 16h devant le lycée pour aller rencontrer Laurent Savard en dédicace. Dans son livre "Gabin sans limite" il nous expose des scènes de vie autistique avec humour, parfois cynisme, souvent avec dérision, presque classique en fait, de la naissance de son petit ange à ses 14 ans. Gabin est unique comme tous les enfants le sont pour leurs parents mais Gabin est autiste et le quotidien avec lui est a inventer à chaque seconde. Débordant d'énergie, il fait expériences sur expériences en démontant tout ce qui lui tombe sous la main, en re-décorant au gré de ses humeurs les intérieurs avec les feutres qu'il trouve, en inventant sans cesse de nouvelles prouesses. Avec Gabin faut du solide. Gabin ne voit pas la vie comme tout le monde ça c'est sur. En tant que maman d'enfants "différents" je suis toujours touchée par les histoires des autres, peut être une façon de ne pas me sentir seule. Parce qu'on ne va pas se mentir, on se sent très seul, enfin je me sens très seule. Bien sur il a y un peu de complaisance auprès des médecins, psychologues, thérapeutes, enfin pas toujours mais on les choisit en fonction (pas folle la guêpe) ainsi que l'humilité de ceux qui "connaissent" de prêt ou de loin mais l'incompréhension du à la différence et le jugement jalonnent le quotidien. Mais nous avons la chance d'arriver dans une période où "C'est à la mode d'être autiste". Et oui chez nous on est à la mode! On a deux enfants autistes, les deux sont précoces (comme papa et maman d'ailleurs), l'un est dyspraxique et TDA, maman a également des traits autistique, est dyslexique et présente également un TDA. Ici certain mangent sans gluten et on a fait du Montessori depuis toujours. Bon on ne savait pas ce que c'était en fait on a découvert Montessori bien plus tard mais sans le savoir on avait tout fait comme c'est marqué dans les livres... L'intuition ou la mode avant-gardiste peut-être:) Cette putain d'intuition qui permet aujourd'hui a mon fils de ne pas avoir besoin d'une AVS et qui offre à sa prof d'histoire géo la liberté et le loisir de lui mettre dans la tête qu'il doit assumer le fait de ne pas en avoir. Espèce de @#:=+/; , mon fils n'a pas besoin d'AVS parce que je l'ai déscolarisé pendant 5 ans ce qui m'a permis de m'occuper de lui mieux que tu ne le feras jamais et de le rendre autonome ce que tu ne seras jamais capable de faire non plus... (aaaa ça fait du bien... je vous ai dit que j'étais à cran un peu ces temps-ci?) Aussi je n'ai pas pu résister au besoin de dévorer l'ouvrage dès hier soir juste après avoir fini mes exercices quotidiens de solfège. Et comme ça se lit vite et bien, je l'ai fini et je peux vous en parler ce matin.


J'ai trouvé le style d'écriture brut, sans artifice et j'ai eu le sentiment de passer un moment intime avec Gabin. J'ai vécu 172 pages avec lui, un bout de vie bien au chaud sous ma couette et surtout bien loin des turbulences de son quotidien mais pourtant si prêt de Montmartre, de la Butte Chaumont, du parc. J'ai été à la piscine, j'ai fait du roller et j'ai assisté aux réunions avec la directrice. J'ai même eu une pensée émue quand Gabin a coupé les fleurs de sa grand-mère. J'y étais dans ce jardin et pourtant ça n'a duré qu'un instant. J'ai ressenti la tristesse de sa maman et le combat de son papa. J'ai pris aussi, égoïstement, une grosse dose d'amour parce que j'en avais besoin et ça m'a fait du bien. Bien sur mes enfants ne sont pas comme Gabin. Mes enfants sont autistes asperger, Gabin est autiste atypique. Il ne parle pas ou très peu, il n'écrit pas, ne lit probablement pas mais il est champion de roller et il adore le ski. Et surtout il a la chance d'avoir des parents extraordinaires qui inventent chaque jour le monde pour lui et croyez-moi c'est du boulot (je sais de quoi je parle j'invente le monde pour Juléo tous les jours). En fait, quand on a un enfant différent, on est obligé de devenir un parent différent, de casser les codes, de passer des heures à chercher, réfléchir, inventer, essayer, douter, pleurer mais aussi beaucoup beaucoup rire... Chaque moment "banal" du quotidien est un défis, un tournoi, une bataille... Nous sommes des guerriers. Et voilà un témoignage de plus qui nous démontre à quel point notre société ne s'adapte pas, ne veut pas s'adapter. Cela montre juste une fois de plus, une fois de trop à quel point nous sommes intolérants et à quel point tant que cela ne nous touche pas, on s'en contre-fou... Heureusement il y a des fées, des magiciens, des supers encadrants.. ouf... Qu'est ce qu'on ferait sinon? Hier soir je suis passée de "triste" à "joyeuse" en lisant ces lignes. Joyeuse parce que quand Laurent écrit le "sourire" de son fils, il transperce les lignes et c'est un vrai moment de bonheur. Et ce matin en voyant partir mes deux super-héros je me dis que le chemin à parcourir est comme Gabin, lui aussi sans limite.


Extraits du livre : "Gabin a deux ans et demi et il ne parle toujours pas. La pédiatre ne s'inquiète pas pour lui. "Peut-être n'a-t-il rien à dire ?" suggère-t-elle. Elle prend Gabin et le pose sur la balance. "Alors, voyons voir combien tu pèses. Non, mon lapin, arrête de bouger. Ah, un futur sportif, l'animal ! À la louche, on va dire douze kilos cinq. Allez, treize, ça porte bonheur !".


"Pas de miracle, plus de couple.

Tous les deux mois, on se dit qu'on se quitte, que, cette fois, c'est bien fini.

Le bien fini ne dure jamais plus d'une semaine et nous n'avons qu'une seule chambre. (...)

J'ai passé quinze jours seul avec Gabin, les courses et le linge sale.

A son retour du Québec, on s'est encore retrouvés.

Ce doit être la peur de l'inconnu. Ou le lave-linge. Je ne suis pas foutu de savoir ce qui se passe à soixante degrés."


Laurent Savard a écrit un spectacle sur Gabin : "Le bal des Pompiers"

Extraits vidéos du spectacle : http://laurentsavard.com/category/videos/sketchs/

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