Je me suis posée récemment la question de "pourquoi" avoir choisi délibérément d'aller travailler en maison d'arrêt...
Je m'explique... nous sommes alors à la fin du 1er confinement. Les musiciens n'ont pas encore retrouvé la scène. La plupart des concerts et spectacles sont annulés et la saison estivale va s'avérer compliqué. Il va falloir trouver des solutions, des alternatives si nous ne pouvons plus faire de concert pour le moment. Alors je réfléchir a proposé des ateliers "musique et chant" au ministère de la justice pour intervenir en maison d'arrêt. Est ça fonctionne, mon projet séduit, nous allons commencer par un stage, puis des interventions chaque semaine puis.... on verra....
Depuis deux ans nous intervenons régulièrement.
Et je pense que j'ai eu ma réponse il y a quelques temps : "pourquoi" avoir choisi délibérément d'aller travailler en maison d'arrêt...
Je crois que j'avais besoin de me prouver, de comprendre, qu'une personne peu être un monstre pour certains et pas pour d'autres. C'est ce que j'ai vécu, c'est ce que je vis depuis 10 ans. Quand je vais en milieu carcéral pour chanter ou faire des ateliers musicaux, j'ai en face de moi des hommes ( je n'ai jamais été en prison pour femme) qui sont tous là pour une bonne raison :) Je ne cherche jamais à savoir pourquoi, cela n'est pas mon problème, c'est celui de la justice. Moi je suis là pour la musique en espérant contribuer à ce que ces personnes, qui se sont visiblement perdus à un moment, de retrouver un chemin de vie plus serein.
En face je sais qu'il y a des personnes qui ont fait de très mauvaises choses et dehors d'autres personnes vivent probablement les mêmes sentiments de dégouts que moi envers mes monstres. La différence est qu'eux sont punis et les miens ne le seront jamais... Et je dois accepter cela.
Je dois accepter que mes monstres soient même admirés, vénérés parfois, considérés comme des êtres exceptionnels. C'est très dur et c'est injuste... Alors je me rapproche de ce qui est juste et je vais bosser en prison.
A oui à ceux qui vont tout de suite écrire, penser, dire : ouais c'est pas normal alors en prison ils ont tout et même des stages de musique et c'est nous qui payons en plus bla bla bla... je ne vais pas perdre du temps et de l'énergie à tenter de vous expliquer que si vous enfermez des personnes et attendez le miracle divin pour qu'elles ressortent en étant des personnes biens, calmes, posées, avec l'envie de travailler, d'avoir une vie tranquille etc... je vous laisse à vos prières... moi je préfère tenter de "faire" quelque chose... mais c'est mon coté hyperactive certainement...
Et là il y aura deux catégories de personnes : ceux qui vont se dire "a ouais j'avais pas vu ça comme ça" et ceux qui vont dire "oui mais..." Les premiers sont cordialement invités à venir discuter du sujet avec moi s'ils le souhaitent... pour les autres, priez pour moi car j'ai pas trop le temps en ce moment ;) Dessins et cadeau de détenus
Et pour ceux qui veulent savoir qu'est ce que je fais en "atelier musique et chant" en prison... Et bien on fait beaucoup de rythme car ça les obligent à travailler en groupe, à s'écouter, se respecter, trouver sa place, se concentrer et mémoriser des petites cellules rythmiques simples.
On leur apprend aussi ce qu'est une note, la hauteur, l'intensité, les durées, quelques notions de solfèges. On les fait chanter beaucoup, on travaille la pose de voix, la respiration évidemment et à écouter les uns, les autres. On écrit aussi, des textes qu'on essaie de mélodiser... Exemple de chanson : Je suis un homme - Zazie Diego - Michel Berger
La javanaise - Gainsbourg
Les petits papiers - Régine
Dommage - Big Flo et Oly
Tout va bien - Orelsan
Le port d'Amsterdam - Brel...